“(…)Le chef Guillaume Bourgogne a relevé le défi. Repartant lui aussi de la version allemande, il bâtit sa version française en respectant à la fois le sens littéral et musical de l’œuvre de Schoenberg. S’aidant ponctuellement des poèmes de Giraud et de la version de Benoist-Méchin, il est parvenu à ne quasiment pas toucher la partie Sprechgesang originelle. Le résultat est confondant. Sa direction, d’abord délicate et aérienne, joueuse et colorée, puis de plus en plus sombre et grinçante, n’y est sans doute pas innocente, de même que les qualités combinées des musiciens de l’ensemble Op. Cit. et la présence de la vocaliste Jessica Martin Maresco — dont la variété de modes de jeu ne laisse d’impressionner. Désireux d’aller jusqu’au bout, Guillaume Bourgogne s’est associée au comédien et metteur en scène Pierre Meunier, ainsi qu’à la danseuse Satchie Noro, pour replonger l’œuvre dans son contexte cabaretier originel. La scène est donc à la fois scène et salle. Pendant que les musiciens jouent, les autres évoluent sur la scène — dans des gestes en rapport plus ou moins lointain avec le sujet. En ouverture du spectacle, puis entre chacune des trois parties, des sketches s’enchaînent, tour à tour récits drolatiques, musicaux ou non, instants suspendus de grâce chorégraphique et autres scènes de bar. Les musiciens se prêtent de très bonne grâce, et avec beaucoup de talent, à la comédie : ainsi de la violoncelliste Noémi Boutin, habituée de ce genre de facéties, ou de Guillaume Bourgogne lui-même, qui nous donne à voir/entendre Solo pour chef d’orchestre de Thierry de Mey. On ne saurait citer tous les instants de poésie que comprend le spectacle : la danse de Noro, qui évoque (avec quelle finesse) les papillons de nuit de Giraud, ainsi que ses acrobaties quasi circassiennes, les textes de Michaux, la pièce commandée pour l’occasion à Guilhem Meier, qui s’inscrit si bien dans l’esprit du Schoenberg tout en lui offrant un pendant saisissant, sans parler de ce comédien exceptionnel qu’est Pierre Meunier.
Un spectacle magnifique, dont la magie vous habite longtemps après que les lumières se soient rallumées.”
Jérémie Szpirglas / MUSIQUE(S)
Le spectacle conçu par Guillaume Bourgogne et Pierre Meunier englobe tout le Pierrot Lunaire de Schönberg dans la traduction française, entrecoupé de numéros de cabaret, de jeux de théâtre d’ombres, de chansons mi- sérieuses, évocations poétiques courtes (comme la danse des lucioles d’Albane Genat), sketche muet pour mains nues (magistralement manipulé par le chef d’orchestre Guillaume Bourgogne ) et danses et de pur souffle vivant (élégance flambée de Satchi Noro). Excellente performance de Sprechgesang , par Jessica Martin Maresco, performeuse vibrant presque à l’hystérie . Le groupe qui l’accompagne, qui a plus l’apparence d’un complexe de boîte de nuit, a la capacité de restituer les inventions du démarrage de la musique tonale du compositeur autrichien du XXe siècle , montrant une musique qui innove sans renier ses propres fondements.
Fabrizio Migliorati / Theatro.persinsala.it
février 2014